Calcul de la capacité bénéficiaire de Thermador

Calcul de la capacité bénéficiaire de ThermadorValoriser une entreprise permet aux investisseurs d’estimer la valeur réelle d’une action. En comparant la valeur réelle estimée au prix proposé par les marchés financiers, ils peuvent choisir ou non d’acheter des actions de la société.

Il y a quelques semaines, je vous avais exposé une nouvelle méthode de valorisation d’entreprise : elle permet, pour les entreprises possédant des avantages compétitifs durables, d’estimer la valeur réelle de la société à partir des bénéfices réalisés.

Dans cet article, je vais mettre en pratique cette méthode en essayant d’estimer la valeur intrinsèque de la société Thermador à l’aide de la formule suivante :

Valeur de la capacité bénéficiaire = Bénéfices ajustés / coût du capital

Cette entreprise a déjà été présentée dans des précédents articles.

Notez bien que l’intérêt de l’article est d’expliquer la méthode de calcul point par point, pas d’estimer le plus précisément possible la valeur réelle de la société.

  1. Bénéfices ajustés
  2. Coût du capital
  3. Interprétation

Bénéfices ajustés

Pour calculer les bénéfices ajustés de Thermador, il est judicieux d’utiliser les chiffres officiels présents dans les rapports annuels de l’entreprise. Il est également possible d’utiliser des sites financiers comme Morningstar à condition de bien vérifier que les informations financières ne soient pas erronées.

Passons dès à présent au dit calcul.

Premièrement, il faut commencer par évaluer le résultat d’exploitation moyen, donnée visible dans les comptes de résultat de la société. Etant donné que l’activité de l’entreprise n’est pas spécialement cyclique, j’ai choisi de moyenner le résultat d’exploitation des 4 dernières années.

Résultat d’exploitation moyen = (25,6M + 26,6M + 31,4M + 33M) / 4 = 29,15M

Ensuite, à ce résultat d’exploitation moyen, on retire l’impôt sur les bénéfices : comme précédemment, on va calculer un taux d’imposition moyen sur les 4 dernières années.

Taux d’imposition moyen = (38% + 36% + 35% + 36%) / 4 = 36,32%

Ce qui nous donne un résultat d’exploitation net de :

Résultat d’exploitation net = Résultat d’exploitation moyen – impôt moyen sur les bénéfices = 29,15M – (29,15M * 36,32%) = 18,56M

Maintenant, nous allons réintégrer au précédent résultat toutes les charges n’entraînant pas de réelles sorties d’argent : généralement, il suffit d’ajouter les amortissements et les provisions qui sont des notions purement comptables.

Amortissements/dépréciations moyens = (1,7M + 1,9M + 2,4M + 2,6M) / 4 = 2,15M
Résultat d’exploitation net + amortissements/dépréciations moyens = 18,56M + 2,15M = 20,71M

20,71M représente l’argent que la société pourrait investir ou distribuer à ses actionnaires grâce à son activité courante. Ce qui nous intéresse ici c’est la seconde option : on va ainsi soustraire les investissements au précédent montant afin d’obtenir le capital distribuable aux actionnaires. Pour trouver les investissements réalisés, il suffit de lire les tableaux des flux de trésorerie en cherchant la mention « investissements » ou « capEx » (capital expenditure en anglais).

Investissements moyens = (3,7M + 14,6M + 5,3M + 1M) / 4 = 6,15M

Cependant, on ne va pas retirer la totalité des investissements mais seulement ceux dédiés à la maintenance de la production actuelle afin de conserver un résultat d’exploitation semblable à l’avenir. En effet, les investissements regroupent 2 notions distincts : les investissements dits de maintenance pour renouveler les actifs nécessaires à l’exploitation actuelle, et les investissements de croissances dédiés à l’expansion de l’entreprise dans le futur.

N’étant pas un expert de ce domaine, j’ai simplement choisi de couper la poire en deux : 50% des investissements seront dédiés à la maintenance, et le reste à la croissance.

Investissements dédiés à la maintenance = Investissements moyens x 50% = 6,15M x 50% = 3,08M

Avec tous les chiffres précédemment obtenus, on peut maintenant calculer le capital que l’entreprise pourrait verser à ses actionnaires sans que sa production en pâtisse. Cette notion s’appelle les bénéfices ajustés :

Bénéfices ajustés = Résultat net moyen + amortissements/dépréciations – investissements de maintenance = 18,56M + 2,15M – 3,08M = 17,63M

En divisant par le nombre d’actions en circulation (4,3M), on peut estimer les bénéfices ajustés par action :

Bénéfices ajustés par action = bénéfices ajustés / nombre d’actions = 17,63M / 4,3M = 4,13€

Coût du capital

Pour vivre et réaliser des bénéfices, une entreprise a besoin de financement.

Le capital est généralement apporté par des créanciers (prêt bancaires ou obligataires), ou par des actionnaires, demandant en retour une contrepartie financière (intérêts des prêts, dividendes, etc…) : c’est ce que l’on appelle le coût du capital.

Dans le cas de Thermador, en jetant un œil à son bilan financier, on s’aperçoit qu’elle se finance exclusivement grâce à ses actionnaires (absence de dettes long terme au passif du bilan). Ainsi le coût du capital de Thermador sera égal au coût du financement obtenu grâce aux actionnaires.

Pour déterminer le coût de ce financement, je me suis inspiré de la méthode exposée sur le site des daubasses. Grosso modo, je pars d’un taux minimal de 6,5 % correspondant au taux des bons du trésor américain à 10 ans sur les 50 dernières années auquel j’ajoute une marge minimale de 1,5 %. Ensuite, j’ajoute 1% pour chacun des critères suivants : pas d’avantages concurrentiels durables, activité cyclique, direction peu compétente, etc…

Pour Thermador, j’ai retenu un coût du capital de 8 %.

En divisant les bénéfices ajustés par le coût du capital, on obtient la valeur de la capacité bénéficiaire :

Valeur de la capacité bénéficiaire = Bénéfices ajustés / coût du capital = 17,63 / 8% = 220,37M

On y est presque. Pour comparer la valeur obtenue à la capitalisation boursière, il convient d’effectuer un dernier ajustement : y ajouter la trésorerie nette et enfin soustraire l’ensemble des dettes financières (long terme et court terme). Etant donné que tous les précédents calculs ont été effectués en faisant une moyenne sur 4 ans, j’ai fait de même pour ces ajustements.

Commençons par le calcul de la trésorerie nette :

Trésorerie moyenne = (19,2M + 13,2M +18,3M + 22,9M) / 4 = 18,40M
1% du chiffre d’affaires = (173M + 177,3M + 194M + 210,5M) / 4 x 1% = 1,89M
Trésorerie nette = Trésorerie moyenne – 1% du chiffre d’affaires = 18,40M – 1,89M = 16,51M

Thermador n’ayant pas de dettes financières, nous pouvons dès à présent calculer la valeur de la capacité bénéficiaire ajustée :

Valeur de la capacité bénéficiaire ajustée = Valeur de la capacité bénéficiaire + trésorerie nette – dettes financières = 220,37M + 16,51M – 0 = 236,88M

Afin que le résultat soit plus facilement exploitable, nous allons calculer la valeur de la capacité bénéficiaire ajustée par action :

Valeur de la capacité bénéficiaire ajustée par action = Valeur de la capacité bénéficiaire / nombre d’actions en circulation = 236,88M / 4,3M = 55,09€

Et voilà !

Interprétation

Malgré que les calculs soient un peu fastidieux à réaliser à la main, ils sont néanmoins facilement reproductibles à l’aide d’une feuille de calcul ! N’hésitez pas à vous en fabriquer une, vous gagnerez pas mal de temps lors de vos analyses 🙂

Grâce à cette méthode, j’ai estimé que la valeur réelle de Thermador s’élevait à environ 237 millions d’euros (= valeur de la capacité bénéficiaire ajustée), soit 55,09€ par action (= valeur de la capacité bénéficiaire ajustée par action).

Auparavant, grâce à la méthode de valorisation selon les actifs, j’avais estimé que les actifs de Thermador valaient environ 30€ par action.

L’écart entre les 2 valorisations obtenues (55€ – 30€ soit 25€ environ) représente la valeur provenant des avantages concurrentiels durables possédés par l’entreprise.

Etant donné que le cours de l’action se situe aux alentours de 60€ actuellement, on peut dire que les marchés financiers ont valorisé correctement cette entreprise.

Notez bien qu’un investisseur dans la valeur n’envisage un achat que s’il estime qu’il possède une marge de sécurité satisfaisante entre le prix proposé par les marchés financiers et la valeur intrinsèque estimée : en ayant par exemple, un écart entre le prix proposé et la valeur estimée d’au minimum 20%.

Enfin, sachez que le calcul de la capacité bénéficiaire est une méthode de valorisation parmi d’autres :

  • elle comporte ses avantages et ses défauts, cependant elle permet de se donner un ordre idée de la valeur intrinsèque d’une entreprise possédant des avantages durables face à la concurrence
  • n’hésitez pas à utiliser plusieurs méthodes de valorisation pour estimer au mieux la valeur réelle d’une entreprise
  • valoriser une entreprise n’est pas une science exacte et demande pas mal d’expérience pour obtenir un résultat proche de la réalité

Si vous souhaitez approfondir cette méthode de valorisation, je ne peux que vous conseiller la lecture du livre référence Investir dans la valeur.

Investissez bien 🙂

NB : Je ne possède pas d’actions Thermador et cet article n’est en aucun cas une recommandation d’achat. L’objectif étant d’exposer une méthode de valorisation possible de cette entreprise.

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12 Commentaires

  1. C’est clair comme de l’eau de roche !

    Je ne sais pas si c’est un défaut de traduction mais les bénéfices ajustés sont ni plus ni moins que les free cash-flows ?

    • Bonjour Etienne,

      Oui c’est ça, les bénéfices ajustés représentent le free cashflow. J’ai hésité à parler de FCF dans l’article mais j’ai préféré éviter les anglicismes.
      J’avais eu d’ailleurs une discussion intéressante sur les différentes méthodes pour calculer le FCF la semaine dernière avec Sylvain : http://margiosefti.com/fcf/#comments

      Au plaisir,
      Phil

  2. Bravo pour ce genre d’articles très pédagogiques. Une référence pour moi 🙂

  3. Méthode intéressante mais je pense qu’il ne faut pas utiliser uniquement ce calcul, il est toujours intéressant de comparer plusieurs approches.

    • Bonjour Pierre,

      J’irais même jusqu’à dire qu’il est nécessaire d’utiliser plusieurs méthodes de valorisation pour estimer la valeur intrinsèque d’une entreprise. Ça permet de trouver un juste milieu 😀

      Cordialement,
      Phil

  4. Bonsoir Phil,
    très belle analyse de Thermador que je partage! Le marché valorise effectivement correctement l’entreprise. Pour la capex de maintenance, d’après les informations que j’avais eu on est effectivement dans une fourchette de 3 à 4 MEUR. Bien vu pour l’estimé de capex!
    Une grand partie de leur capex de croissance est liée à l’agrandissement de leurs entrepôts qui accompagne leur développement.
    Thermador est une très belle entreprise mais seul le prix proposé pour le moment par le marché ne la rend pas suffisamment attractive.
    Cheers
    Jeremy

    • Bonsoir Jérémy,

      Et merci pour le commentaire sympathique !
      Je trouve également que c’est une belle entreprise, je l’ai d’ailleurs dans ma watchlist, j’attends patiemment 🙂
      Personnellement, je ne passerai à l’achat qu’avec une marge de sécurité minimale de 20 %. Tant pis si ça ne vient jamais !

      Au plaisir,
      Phil

  5. Salut Phil,

    Voici plusieurs semaines que je me balade dans la blogosphere de l’investissement et je trouve ici, un superbe article pour un débutant comme moi. A partir de cet article je pense me monter rapidement une feuille excel et commencer un peu à faire mes premiers devoirs.
    L’autoformation risque être fastidieuse, mais ça doit valoir le coup j’imagine.
    Merci en tout cas de ta contribution, sache que culturefinanciere est désormais dans ma watchingblog list ^^

    Schuss
    Guillaume

    • Bonjour Guillaume,

      Je suis content que mon site vous soit utile 🙂

      Je constate que vous avez choisi la voie de l’investissement dit « value » : si ça peut vous aider, j’ai d’ailleurs écrit quelques d’articles sur ce sujet. Sinon vous avez aussi le best-of pour vous aider.

      Bon courage et prenez bien le temps de vous former, c’est important !

      Cordialement,
      Phil

  6. Bonjour Phil,

    Je découvre cet article remarquablement pédagogique comme à ton habitude, sur le calcul de la capacité bénéficiaire, et qui
    personnellement me permet d’éclaircir certaines zones d’ombres de l’article similaire, quoique très complet, du sites des daubasses.
    J’ai cependant une question, probablement naïve, concernant ton calcul de la trésorerie nette : d’où vient le 1% du chiffre d’affaires ?,
    Est-ce un taux forfaitaire à appliquer systématiquement dans le calcul de trésorerie nette , ou bien ce taux est-il fonction de l’entreprise ? Et alors comment le calcules-tu ?
    Merci de ta réponse.
    Cordialement.

    • Bonjour Serge,

      Merci pour votre commentaire 🙂

      En fait, ce calcul provient du livre Investir dans la valeur (page 159) :

      Notre retraitement […] consiste à soustraire de la valeur comptable les dettes financières portant intérêt et y ajouter les disponibilités au-delà de 1% du chiffre d’affaires, ce qui est généralement la norme en matière de trésorerie.

      On va dire que c’est une approximation au doigt mouillé de la trésorerie nette 🙂

      Cordialement,
      Phil

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