Comment investir dans la valeur ?

Comment investir dans la valeur ?Lorsque l’on souhaite investir en bourse, il est généralement souhaitable de se trouver une méthode d’investissement adaptée à son profil.

Il y a quelques mois de cela, je vous avais fait part de mon choix de rejoindre l’école de la valeur : c’est une philosophie d’investissement rationnelle que j’ai découvert par l’intermédiaire du livre l’investisseur intelligent de Benjamin Graham.

Après la lecture de ce dernier, j’avais bien assimilé les grands principes de la méthode. Cependant, je ne savais pas trop comment l’appliquer en pratique.

En effet, les investisseurs dans la valeur s’intéressent aux entreprises dont les actions s’échangent en bourse à un prix nettement inférieur à leur valeur réelle. Parfait ! Mais comment estimer la valeur réelle d’une entreprise ?

Et bien, nous allons voir que grâce au livre Investir dans la valeur : De Benjamin Graham à Warren Buffett et au-delà, j’ai pu répondre à bon nombre de mes questions.

Investir dans la valeur : De Benjamin Graham à Warren Buffett et au-delà

Dans cet article, je vais aborder les 3 méthodes principales pour valoriser une entreprise selon la philosophie d’investissement dans la valeur :

La valeur réelle d’une entreprise

Quand on débute dans l’univers boursier, on aimerait pouvoir estimer facilement la valeur d’une entreprise avec une formule toute faite, du style A + B – C. Malheureusement, il n’existe aucune règle universelle pour l’estimer avec certitude.

A mon sens, l’estimation de la valeur intrinsèque (réelle) d’une société, avec son lot d’incertitudes, est la partie la plus délicate mais aussi la plus intéressante d’un investissement. Certes, au début on y connait rien et on estime un peu au doigt mouillé. Puis avec l’expérience, on affine sa méthode d’estimation, on l’améliore et ça devient un plaisir. Comme le dit si bien le dicton, c’est en forgeant que l’on devient forgeron.

Néanmoins, il est nécessaire d’acquérir quelques principes pour valoriser convenablement une entreprise. Grâce au livre évoqué en introduction, j’ai appris 3 méthodes fiables pour évaluer la valeur réelle d’une entreprise.

1ère méthode : les actifs

Cette première méthode de valorisation est aussi la plus fiable des trois. Elle est entièrement basée sur le patrimoine de l’entreprise, c’est à dire sur ce qu’elle possède aujourd’hui : des bâtiments, des terrains, des brevets, des stocks, du savoir-faire, de la clientèle…

Valeur réelle de l’entreprise = valeur de son patrimoine

La méthode de calcul est assez simple : on part du dernier bilan comptable, qui traduit le patrimoine de l’entreprise, et on réajuste chaque poste du bilan afin de refléter sa valeur réelle et non sa valeur comptable.

Structure d’un bilan comptable
Actif (emplois) Passif (ressources)
Actif immobilisé : bâtiments, terrains, brevets… Capitaux propres : financement provenant des actionnaires
Actif circulant : trésorerie, stocks, créances client… Dettes : financement externe provenant des banques, fournisseurs…

Les ajustements du bilan comptable dépendent des perspectives économiques du secteur dans lequel évolue la société : est-ce un secteur pérenne et attractif pour la concurrence ou bien est-il en déclin ? Dans le premier cas, il est judicieux de calculer combien payerait un nouveau concurrent pour obtenir les mêmes actifs. Dans le second cas, celui du secteur en déclin, on estime les actifs à leur valeur liquidative.

Ensuite pour avoir la valeur réelle de l’entreprise, il convient de faire la somme de tous les actifs auxquels on retranche l’ensemble des dettes. Ainsi, nous obtenons la valeur des capitaux propres qui appartiennent aux actionnaires.

Valeur réelle de l’entreprise = actifs ajustés – dettes ajustées

Cette méthode de valorisation est assez conservatrice puisqu’elle estime qu’une entreprise ne vaut pas plus que la valeur de son actif net (actifs – dettes). Elle s’applique principalement aux entreprises ne possédant pas d’avantages concurrentiels durables ou de barrières à l’entrée de leur marché : c’est le cas de la majorité des entreprises (95% environ).

2nd méthode : la capacité bénéficiaire

Valoriser une entreprise selon sa capacité bénéficiaire est la seconde méthode la plus fiable après celle basée sur les actifs.

Dans cette méthode, on ne s’occupe pas des actifs de l’entreprise mais on cherche plutôt à valoriser ses bénéfices courants.

Pour ce faire, on utilise une formule très simple :

Valeur de la capacité bénéficiaire = Résultat courant ajusté / Coût du capital

La première étape consiste à ajuster le résultat courant de l’entreprise afin d’obtenir l’excédent d’argent que l’entreprise peut distribuer aux actionnaires sans perturber son activité. D’une manière simplifiée, on part généralement du résultat d’exploitation de l’entreprise, auquel on ajoute les amortissements et on y retranche les investissements nécessaires à la maintenance de la production actuelle (renouvellement des machines…). On obtient ainsi le résultat courant ajusté.

La seconde étape consiste à calculer le coût du capital. Pour se financer, une entreprise utilise généralement 2 moyens : l’argent apporté par les actionnaires et celui apporté par les intermédiaires financiers (comme les banques). Ces deux partenaires réclament à l’entreprise des intérêts pour se rémunérer du risque encouru : la moyenne des intérêts pondérés représente le coût de financement que l’entreprise doit supporter pour permettre son exploitation.

En divisant le résultat ajusté par le coût du capital, on obtient la valeur de la capacité bénéficiaire de l’entreprise.

La valeur obtenue par cette méthode n’est réellement valable que si l’entreprise possède un avantage compétitif durable. Dans le cas contraire, avec l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, les parts de marché de la société diminueront et sa valeur intrinsèque s’effritera jusqu’à rejoindre celle estimée selon la valeur des actifs (la méthode 1).

3ème méthode : la croissance

Les investisseurs dans la valeur sont assez réticents à valoriser la croissance des entreprises. En effet, ils n’aiment pas les prévisions incertaines et préfèrent les données rationnelles et vérifiables.

Il existe cependant une exception à la règle : si une entreprise évolue avec des avantages concurrentiels forts et durables, alors la croissance pourrait être bénéfique pour les actionnaires.

En effet, ce qui nous intéresse ici c’est le fait que la croissance augmente la valeur intrinsèque de l’entreprise.

Prenons un exemple pour comprendre. Une entreprise investit 10 000€ dans l’achat de machines permettant d’augmenter les bénéfices de 12 000€. L’achat des machines a obligé l’entreprise à se financer auprès des banques. Ces derniers ont prêté l’argent nécessaire contre des intérêts. Si le coût du financement « mange » le bénéfice de l’investissement (ici 2 000€), la valeur de l’entreprise n’aura au final pas augmenté malgré une hausse des bénéfices. La croissance n’est ici pas rentable pour les actionnaires.

Bénéfices liés à la croissance >> Investissements + Financements de croissance

Ainsi, les investisseurs dans la valeur veilleront à ce que la supposée croissance soit bien protégée par des avantages concurrentiels durables et qu’elle contribue effectivement à améliorer la valeur de l’entreprise.

Le mot de la fin

Cet article n’était qu’une introduction à propos de la valorisation d’une entreprise selon les préceptes de l’investissement dans la valeur.

Si ce domaine vous intéresse réellement, je ne peux que vous conseiller de lire ce livre que j’ai trouvé très utile et formateur pour quiconque souhaitant investir rationnellement. Même s’il peut sembler un peu difficile à aborder, cet ouvrage vous fournira les clés pour bien valoriser une entreprise.

Enfin, sachez que de nombreux articles vous attendent prochainement sur ce thème afin que vous soyez autonome lors de vos prochains investissements boursiers.

Alors à bientôt !

Vous souhaitez améliorer votre culture financière ?

Alors inscrivez-vous à la newsletter pour recevoir chaque semaine les derniers articles dans votre boîte aux lettres ainsi qu'un guide de 45 pages sur les placements financiers sans risques.

C'est complètement gratuit et garanti sans spam.

16 Commentaires

  1. salut ,
    je pense que pour bien savoir valoriser une entreprise il faut avoir des très bonnes bases en finance , comptabilité … personnellement je n’ai jamais trop utilisé ce type d’analyse , je l’utilise plutôt en complément de l’AT .

  2. Il a l’air très intéressant ce bouquin.
    Sinon pour compléter cet article, voici une page que j’ai déjà eu à consulter pour connaître le meilleur moyen de calculer la valeur d’une entreprise :
    http://www.experts-comptables.fr/Focus-bases-documentaires/Evaluation-d-entreprise

    C’est le barême qu’utilisent l’administration fiscale et les tribunaux.

  3. Je me rappelle seulement de la 1ère méthode que j’avais appris pendant mes années universitaires 🙂 !!
    (Cela remonte bien sur)

    Sinon le livre a l’air fort intéressant ! Et merci pour la qualité de tes articles !

    Au plaisir,

    • Tout le plaisir est pour moi Gérard 🙂

      J’essaye de rendre accessible au plus grand nombre l’investissement dans la valeur. D’ailleurs dans les semaines à venir je vais expliciter chaque méthode de valorisation d’une entreprise avec une partie théorique suivie d’une pratique.

      A bientôt et merci de me lire,
      Phil

  4. Salut Phil,

    J’ai lu « L’investisseur intelligent », mais pas « Investir dans la valeur : De Benjamin Graham à Warren Buffett et au-delà ». Pour investir dans la valeur, je recommande aussi « Warren Buffett et l’interprétation des états financiers ». Je l’ai d’ailleurs résumé ici:
    http://www.bourseensemble.com/warren-buffett-et-linterpretation-des-etats-financiers-partie-110/

    Ben

  5. Bonjour,

    je suis convaincu que les principes et méthodes enseignés dans le livre sont les bases indispensables à connaitre. Et quand je dis les bases, cela ne veut pas dire que c’est facile pour autant.
    Le plus dur étant tout de même d’arriver à mettre en pratique ces principes. Parce qu’il faut réunir toutes les informations pour valoriser une entreprise, le faire suffisamment rapidement pour avoir les chiffres les plus à jour au moment de la transaction, et surtout, avoir la chance de trouver des entreprises dont le prix est inférieur à la valeur.
    Parce qu’on est pas le seul à faire ces estimations et à traquer les prix. et certains le font avec des ordinateurs et des algorithmes qui ne laisse pas beaucoup de place au particulier.
    Mais cela ne remet pas en cause ces principes.

    • Bonjour Philippe,

      Je compare souvent l’évaluation d’une entreprise au savoir-faire d’un brocanteur.
      C’est comme si les marchés financiers n’étaient qu’une énorme brocante. On se balade, on voit des tas d’objets que l’on achètera que si l’objet a une valeur strictement supérieure à son prix.
      Là où une personne ordinaire verra un meuble en bois, le brocanteur saura lui quelle est la valeur cachée de cet objet.
      Pour autant, il n’est pas simple d’acquérir les connaissances en matière de valorisation du brocanteur : cela demande de se former un minimum et surtout d’acquérir de l’expérience, car au final c’est ça qui fera la différence.
      Ainsi, l’expérience ne viendra qu’en évaluant bon nombre d’entreprises 🙂

      Bonne journée,
      Phil

  6. Salut Phil,

    J’aime beaucoup ton analogie à la brocante! Pour une entreprise, il y a cependant souvent énormément plus de paramètres à prendre en compte qu’avec des objets. Pour revenir aux propos de Philippe, comment peux-tu avoir un avantage face aux personnes qui ont un arsenal de recherche beaucoup développé qu’un simple investisseur?

    Ben

    • Salut Ben,

      A vrai dire, je ne cherche pas à avoir l’avantage. Désolé mais je vais encore utiliser une image pour m’expliquer.

      C’est comme si j’étais un pêcheur avec une petite barque, face à un énorme bateau de pêche.

      Est-ce que le gros bateau va m’empêcher de pêcher ? Non, certes il va pêcher beaucoup et rapidement mais je pourrais tout de même pêcher dans mon coin tranquillement.

      Et je dirais même que je pourrais pêcher dans des zones où il ne peut pas passer (petites capitalisations par exemple).

      Je ne cherche pas à être le plus gros pêcheur, je cherche juste à pêcher 🙂

      Cordialement,
      Phil

  7. Salut Phil,

    Encore une belle analogie! Et pour rapprocher les deux maintenant, le risque n’est-il pas que tu te retrouves dans le sillon ou la trajectoire du gros bateau? Auquel cas, le gros bateau peut facilement faire chavirer ta petite barque. J’essaie juste de faire l’avocat du diable 🙂

    A+,
    Ben

    • Salut Ben,

      C’est une bonne question 🙂

      Lorsque j’ai commencé en spéculant, un gros pêcheur pouvait effectivement me faire chavirer.

      Avec la méthode d’investissement dans la valeur, une fois la valeur réelle d’une entreprise déterminée, je me moque des mouvements d’eaux. Si ça monte, c’est bien. Si ça baisse, c’est une occasion potentielle de renforcer, sachant que je ne mets jamais de stop-loss, c’est un non sens pour moi. Dans les deux cas, c’est positif 🙂

      L’important est d’avoir estimé correctement la valeur de l’entreprise et d’avoir confiance en mon analyse. Après, je suis serein et heureux de posséder un bout de cette entreprise.

      Bonne journée,
      Phil

  8. herve d'Argentinvestir.com

    Bonjour,

    Effectivement la connaissance de certains éléments comptables est important pour qui souhaite investir en bourse.

    herve d’Argentinvestir.com

  1. Pingback: L’éthique du Value Investing – Blog alpha-inputs.com

Répondre à Phil Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.