Aujourd’hui, nous allons commencer un nouveau chapitre ayant pour objectif d’expliquer les différents termes issus du jargon boursier. Ainsi, dans cet article, je vais introduire l’un des ratios les plus célèbres pour mesurer la profitabilité d’une entreprise : le ROE.
Définition
Le ROE est un sigle anglais qui signie « return on equity », soit en français « retour sur capitaux propres ».
Ce ratio est calculé de la manière suivante :
ROE = résultat net de l’année N / capitaux propres de l’année N-1
Le résultat net représente le bénéfice ou la perte enregistré lors d’un exercice (1 an) : cette information est visible dans les comptes de résultat de l’entreprise.
Les capitaux propres contiennent l’argent apporté par les actionnaires, les bénéfices mis en réserve ainsi que le dernier résultat net : cette donnée est inscrite dans le bilan financier de la société.
Ainsi, le ROE traduit la rentabilité annuelle des capitaux propres par rapport aux bénéfices réalisés.
Dit plus simplement, il exprime combien de bénéfices peut générer la société chaque année pour un euro de capital investi par les actionnaires.
Plus ce ratio est élevé, et plus les capitaux propres sont rentables.
Les limites
Ce ratio est-il parfait pour mesurer la profitabilité de l’entreprise ? Non.
En effet, une entreprise a besoin de financement pour fonctionner et générer des bénéfices.
Le financement provient de 2 sources distinctes :
- les capitaux apportés par les actionnaires
- les capitaux apportés par les créanciers (emprunts)
Or, le ROE ne tient pas compte des capitaux apportés par les créanciers.
Prenons un exemple et voyons quelle entreprise utilise le mieux son capital.
Critère | Entreprise 1 | Entreprise 2 |
---|---|---|
Résultat net | 10 M€ | 10 M€ |
Capitaux propres | 100 M€ | 80 M€ |
Emprunts | 0 € | 30 M€ |
L’entreprise 1 réalise un bénéfice annuel de 10M€ en utilisant 100M€ de capitaux propres.
L’entreprise 2 réalise quant à elle le même résultat mais avec 80M€ de capitaux propres et 30M€ d’emprunts.
Avec ce tableau, on peut calculer le ROE des deux entreprises :
ROE de l’entreprise 1 = 10 / 100 = 10%
ROE de l’entreprise 2 = 10 / 80 = 12,5%
Après ce calcul, on pourrait se dire que l’entreprise 2 est la plus efficace puisqu’elle génère un ROE supérieure (12,5%).
Mais ça serait omettre de prendre en compte les capitaux apportés par les emprunts.
Un meilleur indicateur
Pour mesurer la rentabilité d’une entreprise, il est important de prendre en compte la totalité des capitaux employés (et pas seulement celui apporté par les actionnaires).
Ainsi, on en déduit le calcul d’un nouveau ratio plus adapté, le ROTC « return on total capital » :
ROTC = résultat net de l’année N / (capitaux propres + emprunts de l’année N-1)
Reprenons notre exemple pour calculer les différents ROTC :
ROTC de l’entreprise 1 = 10 / (100 + 0) = 10%
ROTC de l’entreprise 2 = 10 / (80 + 30) = 9,09%
Au niveau des capitaux totaux employés, c’est bien l’entreprise 1 la plus profitable avec 10%.
A la suite de cet exemple, vous comprendrez pourquoi il faut faire attention au ROE : une entreprise peut tout à fait diminuer ses capitaux propres et s’endetter en empruntant afin d’augmenter artificiellement son ROE.
Sera t-elle plus profitable pour ses actionnaires suite à cette hausse du ROE ?
Pas forcément, puisque qui dit emprunts, dit remboursements des intérêts bancaires.
Et plus l’entreprise paye des intérêts, plus ses bénéfices diminuent.
Ainsi, pour mesurer la profitabilité d’une entreprise, je préfère prendre en compte la totalité des capitaux employés pour générer des profits et utiliser le ratio ROTC.
A bientôt 🙂
Salut,
Le ROTC est clairement un bon indicateur, il faut aussi vérifier les différentes dettes qu’a contracté l’entreprise et notamment leurs échéances.
C’est arrivé plusieurs que des entreprises « profitables » mettent la clé sous la porte car elles avaient trop de crédits à rembourser 🙁
Après il faut relativiser car presque toutes les entreprises sont endettés, mais si c’est pour gagner plus d’argent au final et que c’est bien fait, il n’y a pas trop de risques.
Phil, quand tu achètes des actions d’entreprises, quelle est la limite d’endettement que tu es prêt à accepter ?
A bientôt 😉
Marc.
Bonsoir Marc,
Merci pour ces remarques intéressantes 🙂
A vrai dire, je n’ai pas vraiment de limite précise d’endettement.
J’aime bien faire le calcul suivant : Dette/EBIT* pour savoir combien d’années il faudrait à l’entreprise pour rembourser intégralement sa dette LT.
Moins de 3 ans pour la rembourser, c’est excellent car l’entreprise produit tellement de bénéfices qu’elle peut éponger sa dette rapidement.
Entre 3 et 5 ans c’est correcte.
Après, je suis plus attentif 🙂
PS: * EBIT = résultat d’exploitation en Français
Cordialement,
Phil
Salut Phil,
Si on veut continuer à travailler avec le ROE, il faut effectivement faire attention au niveau de dette. Avoir un niveau maximum de dette en faisant abstraction à l’industrie est une erreur à mon avis. Certaines industries ont besoin de plus d’endettement que d’autres comme par exemple celles lourdes en infrastructure ou en R&D. Un haut niveau de dette ne signifie pas nécessairement une entreprise fragile.
Il vaut mieux comparer des niveaux de dette d’entreprises au sein d’une même industrie.
Ben
Salut Ben,
Exact, il faut comparer la dette avec la capacité de l’entreprise à générer de l’argent pour la rembourser.
Enfin, c’est comme ça que je fais 🙂
PS: j’ai commencé ton livre sur la gestion de portefeuille et il est effectivement sympathique 🙂
Cordialement,
Phil
Salut Phil,
Super pour le livre sur la gestion de portefeuille! N’hésite pas à venir partager ton point de vue dans les commentaires du résultat du concours 😉
Ben
Pas de soucis dès que je l’aurai terminé 😀
Effectivement, le ROTC est un meilleur indicateur, mais le ROE peut être utile, à combiner avec d’autres ratios très rapides à calculer, pour avoir une idée rapide d’une entreprise et décider si on veut étudier l’entreprise plus en profondeur.
Bonsoir Hervé,
Dans quel cas utilisez-vous le ROE dans vos analyses ?
J’avoue avoir du mal à lui trouver une utilité tout seul et je lui préfère le ROTC personnellement.
Cordialement,
Phil
Comme je le précisais aussi, je ne l’utilise pas tout seul. Je peux par exemple me servir du ROE pour filtrer des entreprises avec un ROE>10% en combinaison avec d’autres éléments (ratios de dette,…). Et ensuite seulement lorsque j’approfondis j’utilise le ROTC ou je regarde l’impact de la dette sur le ROE.
Le ROE est aussi utile pour les entreprises sans dette.
Pour une entreprise sans dettes, on a effectivement ROE = ROTC 😀
Merci pour ces précisions !
C’est une bonne idée d’utiliser le ROTC pour outil d’analyse en profondeur par rapport au ROE. Aussi ne faut-il pas regarder la concurrence et la moyenne du même secteur industriel. Car même si un ROE et ROTC peuvent être attrayant, le concurrent peut en avoir de meilleurs indicateurs.
C’est effectivement une bonne remarque 🙂
Bonjour Phil,
Super article, je ne maîtrise pas les états financiers en anglais donc à temps perdu si tu peux faire un récapitulatif à connaître pour analyser une entreprise se serait génial
Merci beaucoup
Jonathan
Bonjour Drai,
Merci 🙂
Pourrais-tu détailler un peu ton besoin sur les états financiers s’il te plaît ? Car il y a tellement de choses à dire.
Cordialement,
Salut Drai,
C’est un vaste sujet! Un très bon livre pour découvrir les bases et les aspects essentiels à aborder est « Warren Buffett et l’interprétation des états financiers ».
Voici un résumé:
http://www.bourseensemble.com/warren-buffett-et-linterpretation-des-etats-financiers-partie-110/
Ben
Bonjour à tous et merci pour l’article Phil, toujours aussi clair.
3 éléments me viennent à l’esprit.
1°) Il faut aussi prendre en compte que le ROE est un indicateur de rentabilité optimal pour évaluer les sociétés financières qui, par définition, ont, en termes d’actifs, des dettes !
Ainsi pour comparer la rentabilité de deux banques, mieux vaut regarder leur ROE respectif.
2°) Un autre élément qui peut avoir son importance est la présence ou non d’actions préférentielles au bilan car celles-ci sont comptabilisés en capitaux propres alors que ce sont des dettes, financièrement parlant, et, qu’en temps qu’actionnaire, elles ne vous appartiennent pas du tout.
Il semble donc plus prudent de les retirer des fonds propres…quand il y en a ce qui reste plutôt rare en France mais on le retrouve plus aux US.
3°) Pour ce calcul, il faut bien prendre les capitaux propres part du groupe, c’est à dire qui ne tiennent pas compte de la part des minoritaires. Cela peut modifier le ratio de quelques %.
Bonne continuation
Bonjour Etienne,
Merci pour ces précisions intéressantes 🙂
Cordialement,
Phil
Bonjour,
Merci pour votre recommandation de livre. 🙂
J’aimerais savoir quel sont les aspects financiers que vous regardez avant d’investir dans une entreprise.
Les points à ne pas oublier impérativement.
Merci beaucoup
Jonathan
Salut Drai,
J’utilise une approche hybride d’investissement combinant analyse fondamentale, technique et graphique. Au niveau fondamental les aspects que je regarde en priorité sont: croissance des bénéfices nets par action et croissance des ventes, le tout sur les derniers trimestres et les 3 dernières années. D’autres facteurs secondaires: ROE, dettes, marges.
Ben
J’aime vraiment vos publictions qui me servent beaucoup en ma qualité de nouvel employée auposted’analyste risque crédit. merci de me recommander quelques ouvrages à avoir en poche.
J’aimerai aussi que l’on aborde l’analyse du risque d’un groupe de société (consolidation des comptes et consolidation du risque).
Dans l’attente de vos prochaines publications qui tiendront compte certainement de mes préccupations,
Cordialement.
Merci Miya
Je recommande quelques ouvrages sur l’investissement boursier dans la partie « Par où commencer ?« .
Mais l’univers de ces livres est relativement éloigné de ce que l’on apprend dans les écoles de finance 🙂
Cordialement,
Phil
L’article est très intéressant et instructif!
J’attends votre prochain article pour en apprendre d’avantage!!
Merci du partage
Au plaisir 🙂
Bonjour Phil,
Oui c’est trés vraiment agréable de lire vos articles qui sont toujours de qualités
et riche d’enseignement ! 🙂 Merci
A bientot, Gaetan.
Merci Gaëtan 🙂
Pour comparer deux entreprises il faut d’abord regarder le ROTC,enfin plutôt le ROCE (le ROTC tient à moitié compte de la politique d’endettement car il se base sur le résultat net, donc une fois les intérêts payés).
Et à ROCE égaux c’est le ROE qui fait la différence.
Et pas le cheminement inverse. Il faut d’abord regarder si en ignorant la politique d’endettement qui est la plus profitable et ensuite creuser avec le ROE.
L’exemple est un peu biaisé puisque les deux entreprises font le même résultat pour des ressources stables différentes.
Si les deux sociétés avaient eut 100 de ressource stable et chacune 10 de résultat net mais que la deuxième société avaient eut 80 de capitaux propres et 20 d’emprunt LT ça change tout.
Puisqu’elles auront le même ROTC (donc l’indicateur ne permet pas de prendre une décision)
du coup on se penche sur la politique d’endettement avec le ROE qui lui avec une étude de l’endettement
permettra de faire un choix (pas forcément pour le plus gros ROE, puisque après chacun choisira l’entreprise correspondant à son couple rendement/risque).
Merci pour la précision intéressante Miky 🙂
Bravo pour cet article limpide sur les limites du ROE, indicateur très répandu dans les médias financiers.
Effectivement comme le dit Miky le ROCE (Return On Capital Employed) est encore plus précis pour mesurer le rendement sur les capitaux employés, comme son nom l’indique. Il est aussi appelé ROIC : Return on Invested Capital.
Il est calculé de façon très similaire au ROTC, en remplaçant au numérateur le résultat net par le résultat d’exploitation (EBIT) auquel on soustrait les impôts à payer.
Pas nécessairement Christophe.
En ce ce qui concerne le ROCE ou ROIC, ou autre vocable, chacun y va de sa définition et pourra ou non inclure les Impôts au numérateur.
Le plus important est que chacun, individuellement, adoptions toujours la même démarche et que l’on sache bien de quelle rentabilité on parle : Pré ou post taxtes / intérêts, etc…
C’est vrai qu’il existe de nombreuses variations en la matière, selon les auteurs.
Merci Étienne pour cette précision !
Et je suis complètement d’accord avec vous : l’essentiel est de rester cohérent et de surtout bien comprendre les ratios qu’on utilise.