Récemment, j’avais abordé dans un article les avantages concurrentiels possédés par certaines entreprises.
Ces entreprises, assez prisées par les investisseurs, réalisent des bénéfices réguliers voire même en constante progression dans le temps grâce aux avantages qu’elles ont face à la concurrence.
La question que l’on va se poser aujourd’hui c’est comment les dénicher parmi la multitude d’entreprises existantes ?
Un livre pour apprendre
Trouver une entreprise avec des avantages compétitifs n’est pas forcément une chose aisée.
Par chance, on m’a conseillé l’excellent livre Warren Buffett et l’interprétation des Etats financiers : La recherche des entreprises qui possèdent un avantage compétitif durable.
Bien que le titre semble un peu long et la couverture assez vilaine, cet ouvrage n’en demeure pas moins intéressant à lire. Il a notamment été écrit par la belle-fille du célèbre investisseur Warren Buffett (Mary) aidée par l’un de ces disciples (David Clark).
Ce livre explique comment Warren Buffett fouille dans les états financiers d’une entreprise pour savoir si elle possède un avantage compétitif durable sur ses concurrents.
Il faut savoir que W. Buffett a été l’un des pionniers dans la recherche de ce type d’entreprise. En effet, son mentor Benjamin Graham cherchait simplement à acheter des entreprises moins cher que leur valeur intrinsèque quelle que soit la qualité du « business ».
W. Buffett a ajouté dans cette méthode l’aspect qualitatif : il veut aussi acheter avec une marge de sécurité mais surtout acheter des belles entreprises avec des avantages compétitifs durables.
Il s’est dit que plus longtemps il conservait ce type d’entreprise, plus elles dégageraient des bénéfices en hausses régulières, et plus il gagnerait de l’argent en tant qu’actionnaire.
Fouiller les états financiers
Passons maintenant aux choses sérieuses et voyons quels sont les critères communs aux entreprises ayant un avantage compétitif durable.
Pour ce faire, nous allons étudier les états financiers : compte de résultat, bilan financier et tableau des flux de trésorerie.
Le compte de résultat
Le compte de résultat indique les bénéfices ou les pertes réalisés par une entreprise sur une période donnée.
Dans notre cas, ce qui va nous intéresser ce n’est pas uniquement les bénéfices mais surtout comment ils sont réalisés.
Voici quelques facteurs inclus dans le compte de résultat qu’il peut être intéressant d’analyser sur une longue période (10 ans par exemple) :
Critère | Indicateur | Commentaire |
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Marge brute | supérieure à 40 % : possibles avantages compétitifs inférieure à 20% : secteur hautement concurrentiel | Si sur une longue période, la marge brute est supérieure à 40% alors il existe de fortes probabilités que l’entreprise possède un avantage compétitif durable. Dans le cas contraire, la concurrence aurait fait baisser ses marges en dessous du seuil de 20%. |
Frais administratif et de marketing | moins de 30% du résultat brut : possibles avantages compétitifs proche de 100 % : secteur hautement concurrentiel | L’important ici est la régularité. Une entreprise avec avantages concurrentiels n’aura pas à investir brutalement en marketing pour relancer ses ventes.Si ces frais représentent moins de 30% du résultat brut (chiffres d’affaires moins le coût des biens vendus) sur une longue période, alors il se peut que l’on soit en présence d’avantages compétitifs durables. |
Frais de recherche et développement | Faibles et réguliers | Généralement, si une entreprise investit énormément en R&D, cela signifie que son avantage est dû à une avance technologique, et donc qu’il peut disparaître un beau jour. Ainsi, on préférera les belles entreprises n’ayant pas besoin d’investir énormément en R&D pour conserver leurs avantages sur la concurrence. |
Marge nette | supérieure à 20 % : possibles avantages compétitifs inférieure à 10% : secteur hautement concurrentiel | Si sur une longue période, la marge nette est supérieure à 20% alors il existe de fortes probabilités que l’entreprise possède un avantage compétitif durable. Dans le cas contraire, la concurrence aurait fait baisser ses marges en dessous du seuil de 10%. |
Résultat net | En augmentation constante sur le long terme | Une société protégée face à la concurrence devrait pouvoir augmenter ses bénéfices durablement sur le long terme. |
Le bilan
Le bilan financier est un document comptable exprimant le patrimoine d’une entreprise à un instant donné.
Voici quelques postes intéressants à étudier, toujours sur le long terme :
Critère | Indicateur | Commentaire |
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Trésorerie & équivalents | Importante | Qui dit avantages concurrentiels, dit forte génération d’argent. Généralement, ce type d’entreprise possède une trésorerie pléthorique. |
Goodwill | Augmentation sur le long terme | Lorsque l’on génère plein d’argent, quoi de mieux que de racheter des concurrents, ayant eux aussi des avantages concurrentiels. Ce type d’entreprise ne se vend quasiment jamais sous sa valeur comptable, gonflant ainsi le goodwill. Attention cependant à ne pas acheter n’importe quoi. |
Dettes financières à long terme | Faibles voire inexistantes | Un bon business génère tellement de trésorerie qu’il n’a pas besoin de tiers pour le financer. Ainsi, une entreprise avec avantages compétitifs durables requiert peu voire pas de dettes financières sur le long terme. Idéalement, elle doit pouvoir rembourser ses dettes en 3-4 ans grâce à ses bénéfices. |
Le tableau des flux de trésorerie
Enfin, le tableau des flux de trésorerie représente les entrées et sorties d’argent réalisées par l’entreprise au cours d’une période.
Voici quelques critères judicieux à analyser :
Critère | Indicateur | Commentaire |
---|---|---|
Flux d’investissement | inférieur à 50% du résultat net : possibles avantages compétitifs inférieur à 25% : très fortes probabilités | Une entreprise ayant un avantage compétitif investit généralement peu de capital comparativement à son résultat net. Si elle investit chaque année moins de 25% de son résultat net, il existe de très fortes chances qu’elle bénéfice d’avantages durables face à la concurrence. |
Rachat d’actions | Réguliers | Si une entreprise possède des avantages concurrentiels, alors elle génère beaucoup d’argent et peut l’utiliser pour racheter des actions afin de récompenser ses actionnaires. |
Le mot de la fin
Voilà pour la liste non exhaustive des indicateurs pour dénicher les entreprises possédant des avantages compétitifs durables.
Notez que ces indicateurs sont simplement des pistes pour vous aider à trouver ce type d’entreprise et qu’il est généralement nécessaire d’approfondir le sujet afin de s’en assurer convenablement.
Bien que ce livre comporte 229 pages, j’ai trouvé qu’il se lisait extrêmement bien, sans trop de jargon incompréhensible. D’ailleurs, cet ouvrage fait fréquemment des rappels sur les notions comptables de base : compte de résultat, bilan financier ou tableau des flux de trésorerie…
J’ai d’ailleurs ajouté ce livre à ma liste d’ouvrages conseillés pour apprendre.
Si les entreprises possédant des avantages compétitifs durables vous intéressent en tant qu’investisseur ou que vous souhaitez simplement approfondir ce sujet, je ne peux que vous recommander cet excellent ouvrage.
A bientôt !
Bonjour Phil,
Merci pour ce bon article qui donne un bon début de pistes pour chercher des entreprises à moat.
Je voudrais insister sur un point toutefois, issu à la fois de mes études de cas historiques et de mes mauvaises expériences.
Typiquement, une boîte comme Polaroid, à n’importe quel moment avant la fin des années 1980, aurait passé les tests sur tous les critères que tu donnes. Or il se trouve que l’entreprise a déposé le bilan dans les années 90, car son offre n’était plus pertinente. Jamais aucun des critères listés dans ce livre n’aurait pu le montrer.
Il en est de même pour Dell, qui ne déposera sans doute pas le bilan mais n’aura plus les retours sur capitaux des années avant 2008.
A mon humble avis, la force de Buffett est avant tout de pouvoir trouver des entreprises dont l’avenir pourra continuer à se rapprocher du passé. Je présume que c’est lié à une connaissance sectorielle très poussée ainsi qu’à une vision hors du commun des dynamiques compétitives sur les marchés qu’il connaît. L’impmense majorité des investisseurs n’a probablement pas le dixième de ses connaissances sur ces sujets. Pour ma part, j’admets la chose ouvertement et essaie de me tenir à des business simples que je comprends, sans nécessairement rechercher des avantages compétitifs d’ailleurs (c’est plutôt une option potentiellement intéressante que je serai ravi d’avoir si j’ai un peu de chance qu’un must have pour moi). Il y a très peu de business où je me sens capable de voir un avantage compétitif durable en fait, et encore moins en m’appuyant sur des chiffres.
Bonjour Serge,
Je suis complètement d’accord sur le fait que ce livre donne des indices pour trouver ce type d’entreprises et non pas une recette de cuisine à suivre aveuglément.
Personnellement, j’aime bien avoir des repères lorsque je débute dans un domaine et ce livre m’a bien aidé.
J’ai compris qu’une marge brute supérieure à 40% représentait une excellente marge, idem pour la marge nette à 20%, etc…
Donc je pense que cela peut être utile à mes lecteurs 😀
Il est vrai que détecter un avantage compétitif durable ne se résume pas à la lecture de quelques chiffres, et surtout rien n’indique au final qu’il va se poursuivre dans le temps. Mais je pense que certains chiffres peuvent encourager les investisseurs à fouiller un peu plus profondément afin de s’en assurer. C’est ma vision des choses en tout cas.
Merci pour le commentaire,
Phil
Phil,
J’ai une petite précision supplémentaire à apporter par rapport à ma pratique : il est très courant qu’une marge brute de 45% ou même de 50% se traduise par une perte nette pour la société. Enormément de boîtes ont une marge brute de plus de 40%.
Il y a aussi des sociétés qui font moins et qui sont d’excellents businesses (Mc Lane, une filiale de Berkshire Hathaway par exemple, ou Wal-Mart).
Je ne sais pas si ça va t’aider ou te mélanger, mais là, ton repère m’a fait bondir. Comme je sais que ce n’est pas de toi mais du livre que ça vient (d’ailleurs, je me demande qui a relu ça et l’a laissé : surement pas Buffett), je te mets en garde là. 🙂
Amicalement,
Serge
Serge,
Tu as raison sur les marges qui, au final, ne veulent rien dire sans connaître le secteur de l’entreprise.
Wal-Mart, qui produit des marges relativement faibles, réalisent d’excellents bénéfices grâce aux économies d’échelle.
Par contre, certains indicateurs comme la capacité de l’entreprise à rembourser rapidement ses dettes sont assez intéressants à noter.
Et là, tu vas me dire qu’il existe des entreprises avec très peu de dettes, qui peuvent les rembourser en moins de 3 ans de bénéfices, et qui pourtant n’ont aucun moat 😀
C’est également vrai aussi.
Je pense que les indicateurs, pris un par un, n’ont pas grande utilité.
En les analysant globalement, je pense que l’on peut se faire une idée du business de l’entreprise analysée.
Mais nous sommes d’accord que ce n’est pas une simple recette de cuisine, loin de là, mais j’ai trouvé ce livre intéressant tout de même et agréable à lire même pour des néophytes.
Cordialement,
Phil
Bonjour,
voici un livre clé pour l’étude de la valeur d’une entreprise. Dans ce livre Warren Buffet interprète les chiffres financiers comme par exemple le Goodwill qui correspond à la sur-valeur que l’acheteur est prêt à payer (il fait partie de la négociation lors d’un rachat d’entreprise et fait ensuite l’objet d’une évaluation annuelle).
Mais Buffet se faisait aussi une idée précise de la valeur des dirigeants et du management. Et il se tenait à l’écart des sociétés technologiques parce qu’il ne maitrisait pas leur analyse (et finalement qui y arrive?).
Une chose m’avait marqué avec Buffet : rare sont ceux qui ont aussi souvent et aussi nettement raison sur une période de temps aussi longue. Le livre n’est pas glamour à lire mais il est riche d’enseignements pour ceux qui s’en donneront la peine.
Merci pour votre commentaire Philippe 🙂