Lorsque l’on commence à investir en bourse, on utilise généralement toute son énergie pour dénicher les meilleures opportunités possibles. On pense bien souvent à tord qu’il suffit de choisir les « bons chevaux » pour réussir à dégager de bonnes performances avec son portefeuille.
On n’oublie pourtant un détail très important : maintenir un investissement durant quelques années contre « vents et marées » est un exercice des plus délicats psychologiquement. Surtout lorsque tout le monde a intérêt à ce que vous spéculiez.
Si vous en doutez, voici quelques exemples qui sont apparus au gré de mes investissements financiers.
Les médias financiers
Nous sommes dans l’ère de la communication immédiate. Une information financière est publiée, 10 secondes plus tard la planète est au courant de la nouvelle. Tout va très vite.
Les médias financiers regorgent de ce type de données.
La société X a raté le consensus : le marché attendait un chiffre d’affaires de 25 millions de dollars or il n’a atteint que les 23,5 millions. L’action a été immédiatement sanctionnée : -8% à l’ouverture…
Le problème avec ces informations c’est qu’elles sont généralement éphémères, court-termistes, basées sur un ressenti instantané. Elles sont particulièrement utiles pour les spéculateurs mais certainement pas pour les investisseurs « long terme ».
Les médias financiers apprécient les spéculateurs puisque ces derniers sont des gros consommateurs d’informations éphémères. Plus il y a de spéculateurs, plus ces médias font de l’audimat.
Chaque jour, nous sommes inondés d’informations parasites qui peuvent brouiller la capacité de réflexion des investisseurs, les poussant à agir dans l’instant, sur le coup de l’émotion.
Les courtiers
Le courtier est l’intermédiaire entre la bourse et vous. Il se charge d’exécuter vos ordres d’achat et de vente sur les marchés financiers.
Il est rémunéré pour chaque ordre passé : plus vous en passez, plus il gagne de l’argent.
Pensez-vous qu’un investisseur qui achète des actions et qui les conserve pendant de nombreuses années, sans rien faire, soit intéressant d’un point de vue du courtier ? Pas vraiment. Quelques ordres d’achat et vente sur une dizaine d’années, c’est trop peu.
Ainsi, il a tout intérêt à ce que vous passiez un maximum d’ordres.
C’est pour ces raisons qu’il va vous proposer une offre de bienvenue sans frais de courtage pendant une durée limitée : puisque les ordres sont pour l’instant gratuits, vous allez en passer un maximum.
L’objectif caché est de vous habituer à faire des achats/ventes éclairs, à devenir un spéculateur. C’est particulièrement rémunérateur pour votre courtier.
Les autres spéculateurs
Les marchés financiers sont remplis de spéculateurs aguerris qui aiment tester les nerfs des porteurs de titres.
Les gros spéculateurs s’amusent parfois à faire varier le cours d’un titre en passant un ordre de vente important : à cet instant, des milliers/millions de titres sont vendus d’un seul coup, entraînant la chute du cours de ce dernier.
Que vont faire les spéculateurs fébriles à la vue de cette chute ? Ils vont peut être réaliser des ventes paniques, permettant aux gros spéculateurs de racheter les mêmes titres à un cours encore plus bas.
L’investisseur « long terme » verra quant à lui une opportunité de racheter des titres à bas prix mais il ne les vendra certainement pas sur une variation éphémère de cours.
Vous-même
Même si ça peut paraître étrange, spéculer semble plus naturel, plus instinctif qu’investir.
Et votre pire ennemi sera sans nul doute vous-même.
A mon sens, spéculer c’est essayer de prédire le « sens du vent » sur une période relativement proche. On se base généralement sur une sensation, un ressenti voire un pressentiment. Rarement sur des faits.
Investir sur le long terme n’est pas chose aisée et cela requiert pas mal de travail : il faut en effet lire une multitude de rapports annuels, fouiller dans les états financiers, collecter des faits vérifiables et avérés permettant de valider son raisonnement. Au final, c’est moins excitant qu’une spéculation régie par l’émotion…
Bref, se comporter « en investisseur » nécessite de la rigueur et du travail et il faut constamment lutter pour ne pas se laisser attirer par les sirènes de la spéculation, qui semblent pourtant si douces…
Tout le monde a intérêt à ce que vous spéculiez… sauf vous.
Très juste analyse des choses. Ce que tu décris correspond tout à fait aux erreurs que j’ai faites durant ma première incursion en bourse. Comme tu le dis le plus dur est de se battre contre son instinct et contre toute la propagande destinée à nous faire passer des ordres.
Désormais j’ai un recul suffisant et je prépare ma deuxième entrée dans ce monde, en espérant être assez fort 🙂
Bonjour Jérémy,
A mon sens, il est vraiment important de se trouver une philosophie d’investissement adaptée à son caractère et de s’y tenir. Ça évite vraiment les dérives spéculatives et ça donne une vraie ligne de conduite 🙂
Merci pour ton commentaire et bonne soirée,
Phil
Bonjour Phil,
Merci pour cet article.
Il y a également un intérêt à la spéculation au regard de la théorie économique. Le fait qu’il y ait des spéculateurs (court terme) permet de fluidifier la liquidité d’un titre et ainsi garantir à l’investisseur la valeur de ses actions le jour où il souhaite le vendre. Ce n’est pas tout de disposer d’une action qui a généré plus de 50% de plus-value s’il faut 3 semaines pour les vendre, ou personne… plus simplement.
Le second volet de cet argument, c’est que le fait qu’il existe des spéculateurs (à savoir des personnes qui sont prêtes à investir dans des sens contraires avec une vision court terme) permet au marché de trouver des acteurs économiques capables d’assumer un risque à la place d’autres. C’est une développement de la précédente idée : si un spéculateur prend une position à découvert, il permet à un investisseur de prendre une position à un meilleur marché (selon son analyse) alors que le spéculateur anticipe une baisse de l’action pour l’acheter plus bas. C’est lui qui porte ce risque, alors qu’il y a un acteur financier qui a une anticipation contraire.
Bonne soirée,
Bonjour Cyril,
Je vous rejoins sur le fait que la spéculation permet de rendre plus liquide l’échange de titres.
Dans cet article, j’ai surtout essayé de souligner que l’environnement nous pousse dans la voie de la spéculation, bien plus que dans celle de l’investissement.
Je n’ai rien contre la spéculation, il est tout à fait envisageable de le pratiquer mais il faut en être parfaitement conscient : le danger est de croire que l’on investit alors que l’on spécule.
Cordialement,
Bonjour,
que les spéculateurs rendent les titres plus liquides, il n’y a pas de doute la-dessus. Mais quand les hyper-spéculateurs, j’entends par là ceux qui utilisent les outils du trading haute-fréquence, utilisent ces mêmes arguments pour justifier de leurs vertus, on n’est plus dans le même débat et la même franchise.
En tous cas ce sont sur les ressorts de la peur que jouent ceux qui veulent spéculer à vos dépends. C’est pour cela qu’il faut être capable de conserver ses objectifs et ses propres règles pour ne pas trop se faire influencer.
Merci pour votre contribution Philippe 🙂
Bonjour Phil,
Très bon article ! Je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’investir à LT requiert du travail. J’aimerais ajouter qu’il est aussi important de ne pas faire du surtravail : il faut aussi savoir ne rien faire, ce que l’on fait d’ailleurs la plupart du temps en tant qu’investisseur dans la valeur. C’est pas toujorus simple de laisser dormir son argent et d’attendre, attendre, attendre… Pour finalement agir quand tous les éléments sont réunis. Le bruit autour n’aide pas, mais agir sans raison, c’est une peu comme brasser du vent pendant les réunions (ce qui a d’ailleurs aussi une certaine popularité je crois :-)).
Salut Serge,
Je suis tout à fait d’accord avec ton propos.
Au début, je pense que l’on a tous eu peur de « rater le train », manquer une superbe occasion. Et dans ce cas, c’est difficile de ne rien faire !
Mais une fois que l’on a compris l’analogie du batteur de baseball énoncée par Buffett, on est beaucoup plus serein. En tout cas, c’est mon cas. Je ne me presse jamais. Tant pis, si je rate le train.
D’ailleurs ce propos mériterait un article complet 🙂
Au plaisir,
Phil
Salut Phil,
Effectivement, tout le monde a intérêt à ce que les petits porteurs soient des vaches à lait.
Comme tu le dis, les brookers pour gagner leur commissions et les gros porteurs pour racheter à bas prix.
Vu que j’investis à LT, peut importe quand je choisis de rentrer dans une valeur en théorie. En pratique je le fais pendant les baisses et au prix qui me semble le plus juste.
Tu oublis aussi un autre acteur majeur qui quoi qu’il en dise a intérêt à ce que nous spéculons. L’état. Qui via les impôts et la taxe sur les transactions financière est bien content et gagne 1x/2 pour le premier et à tous les coups pour la seconde.
A bientôt,
Marc.
Bonjour Marc,
Pour les impôts, ça dépend fortement du support financier utilisé. Avec un PEA, les gains ne sont taxés que lors des rachats alors qu’avec le CTO c’est dès le premier euro.
Pour la TTF, ça ne touche que les grosses capitalisations du CAC il me semble.
Mais il est vrai que l’Etat semble apprécier les allers/retours 🙂
Cordialement,
Phil
Article très juste je pense ! Tout y est dit. Pour tout débutant.
Le fébrile, l’émotif, l’impatient, etc ; auront un temps d’apprentissage bien plus long encore. Le marché est effectivement une véritable école sur soi-même.
Gilles
Bonsoir Gilles,
Il faut généralement quelques temps avant de se rendre compte de l’environnement hostile dans lequel on est.
L’important au final c’est de le savoir 🙂
Cordialement,
Phil